Lundi, 12 juin

L’Espagne et ses campagnes me gagnent ; nous engrangeons les kilomètres.



La couverture n’était pas de trop ; la nuit n’aura pas été des plus bénéfiques.
A quatre heures, il y a eu un défilé de voitures, puis, plus rien ! Ça devait être la sortie des boîtes de nuit. Les pneus n’apprécient pas les pavés d’autant que ceux de la calle Mayor sont moyenâgeux.
Puis Daroca s’est éveillée ; là, je n’ai pas vu l’heure, mais c’était tôt. Les camions poubelles, les engins de nettoyage sont passés les premiers.

Nous petit-déjeunons dans la chambre, avant de partir. Sachant que le bar serait fermé, hier soir, nous avons acheté deux galettes ; nous nous en contenterons, avec deux tranches de pain d’épice.
Dehors, il fait frais, je récupère ma lessive ; les deux cuissards sont encore très humides. Sur le balcon, je ne sens pas de vent, ça c’est une aubaine ! Le ciel est déjà bleu, à l’infini.
A huit heures, nous sommes dans la cour, les vélos sont chargés, nous nous sommes couverts. Je garderai le K-way longtemps encore ce matin, le retirerai, pour bien vite le remettre et le conserverai jusqu’à la pause de midi.
La grande porte cochère est ouverte, ouf ! C’est toujours une grande crainte lorsque l’on part avant le lever de nos hôtes.

La route est belle, nous sommes sur la A211 qui monte d’entrée, régulièrement, et avec un pourcentage modéré vers le puerto de Santed.
Le long de ces treize kilomètres d’ascension, le décor change. Quelques vignes au départ qui disparaissent dès qu’on prend de la hauteur, pour laisser la place à des blés, puis des amandiers. La palette des verts est étonnante. Les champs de blé ont chacun le leur, selon leur état de maturation. Des chênes, sur les monts alentours apportent des pointes de foncé sur ces tableaux nature. Quelques chardons et leur touche mauve, en bordure des champs, ajoutent à la beauté des cultures qui nous entourent.
Après les onze cent cinquante-trois mètres, que nous avons atteints facilement, je m’arrête pour contempler le beau village de Santed, sur notre droite.
Des chardons au premier plan, le village et son petit clocher juste derrière, une hauteur et un vieux castillo1 perché qui veille dans le fond, sous un ciel azur ; j’espère que ma photo sera aussi splendide que ce que mes yeux contemplent. Le col redescend très peu, jusqu’à une altitude d’environ mille mètres, nous avons devant nous un vaste plateau très légèrement vallonné.
Coquelicots, bleuets et pâquerettes fleurissent maintenant le bord de notre chemin. Même si là, il est un peu cahoteux, nous allons allègres, après ces deux journées de galère. La route, droite, perdue, nous mène à Embid.
Avant le village, nous laissons l’Aragon, nous passons dans la province de Guadalajara, en Castilla-la-Mancha ; sur le haut du grand panneau qui nous le signale, les silhouettes des deux personnages les plus connus de Cervantès. Nous errons, nous aussi, sur nos rossinantes à pédales.

La A211 devient CM213.
En voilà un qui porte bien son nom : le río Piedra2. En contrebas, dans le fond du lit, de gros cailloux et pas le moindre filet humide ; ici, il y a longtemps que l’eau n’y déboule plus !
Le village d’Embid puis celui de Tortuera sont de vieux villages, nombre de leurs maisons sont en ruine.
Avant Embid, nous sommes sollicités par une petite fringale ; il est onze heures, nous pédalons depuis trois heures et le léger casse-croûte pris dans la chambre est bien bas descendu. Le village est un peu à l’écart. Un homme âgé est assis dans ce que je pense être un arrêt d’autobus, sur le bord de la route.
« ¿ Hola señor, dónde se puede comer ? »3
Il n’y a rien ici pour manger. L’unique bar d’Embid ne sera ouvert que cet après-midi, il nous faut aller à Molina, nous dit-il. Molina est à vingt-six kilomètres.
L’homme a le visage buriné des paysans qui ont passé leur vie dans les terres, au soleil ; sa peau est sillonnée.
J’essaye de discuter quelques minutes avec lui. Il est désolé du fait qu’on ne puisse pas trouver à manger dans son village mais aussi du fait de l’exode rural de sa campagne. Les jeunes se marient et s’en vont à la ville, dit-il. Je lui fais comprendre que son pays est magnifique et que nous avons beaucoup apprécié les étendues verdoyantes toute la matinée.
Nous grignotons, après avoir laissé le vieil homme nostalgique, les restes de pain d’épice, les derniers carreaux de chocolat et deux bananes séchées, pour tenir jusqu’à la ville.

Un curieux panneau de signalisation là ; sous un soleil radieux et un ciel immensément bleu, nous le trouvons plutôt insolite ce panneau signalant la neige ! Quoique, tout bien réfléchi, sur ce plateau perché à mille mètres d’altitude, sa continentalité, et en plein hiver...
A Tortuera, moult étables et vaches, des silos. Des paysans chargent un énorme camion de balles de foin.
Des blés – ou de l’orge – à perte de vue, ils sont bien plus verts et plus alertes que ceux vus hier, secoués ou couchés par le vent.

Ce matin, entourés de tous ces blés, nous mangeons un peu de notre pain blanc.

Sur ces routes rectilignes, je m’imprègne du calme de la nature environnante. Je me délecte de cette solitude qui s’étale à perte de vue, sans accroc, sans tourment...
Pardonnons-leur, parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font, ces jeunes qui abandonnent ces lieux pour d’autres... riches de futilités... mais ont-ils le choix ?

Tortuera, Cillas – la carretera CM213 devient CM210 –, Rueda – de loin, le village semble comme déposé au beau milieu de la route –, villages isolés ; puis un petit creux où se loge Molina de Aragón. Nous y sommes à midi vingt, après soixante-trois kilomètres de campagnes verdoyantes.

Mon compteur est à nouveau dans les choux !
Mais c’est bien sûr ! L’eau ne lui convient pas, c’est un fait ; mais l’humidité non plus ! Déjà José m’avait dit qu’il exagérait par rapport au sien, puis la pluie de Mequinenza avant hier et cette dernière nuit passée dehors à la fraîche. Ce soir, je le rentre au sec ! A Aigues-Mortes effectivement, dans la petite cour intérieure, nous avions trouvé un peu de rosée, le matin...

Un château, une muraille, dominent la ville, sur une colline desséchée ; les briques des murs se défont.
Nous n’irons pas plus loin, pour la pause déjeuner ; devant le premier bar, nous posons nos machines. Les vélos, maintenant, chaque fois que nous nous arrêtons, nous n’y faisons plus attention, ils restent seuls. Aquí no pasa nada.
Nous restons fidèles aux bocadillos, chorizo4 pour commencer pour les deux, puis lomo de cerdo - Stéphane n’en démord pas – et tortillas con patatas pour moi. Avec la première cerveza, nous avons ici aussi, notre petite assiette d’olives.
Cette fois, nous avons tout commandé d’entrée.
Ici, ce n’est pas la télé qui nous assourdit, même si elle est en marche, c’est la radio. Aussi, nous faisons court ; nous serons mieux sur la route.
Nous repartons, bien calés.
Que sera le relief cet après-midi ?

Après cinq kilomètres sur la N211, direction Soria, nous bifurquons à gauche pour nous orienter mi-sud, mi-ouest. La CM2015 est une petite route, comme je les aime ; elle est facile jusqu’à Corduente. Là, je sens que son profil sera différent de celles de ce matin, et que nous allons nous engager dans du tortueux. Nous nous élevons avec cette petite route, proprette, seuls ; aucune voiture devant, aucune voiture derrière. Nous montons pendant environ sept kilomètres, nous sommes dans les pins. Nous sommes passés d’environ mille mètres à plus de mille trois cents. Nous roulons sous un chaud soleil et avec une très légère brise venant du nord qui devrait nous être favorable.
L’ombre, toutefois, se fait rare. Je profite de celle d’un grand pin au bord de la route, pour boire et prendre quelques notes. L’eau de Daroca est nettement moins javellisée que celle d’Escatrón, elle serait presque normale. Ce matin, vu la fraîcheur, je n’ai bu qu’un demi bidon et au bar tout à l’heure, je n’ai même pas fait le complément.

Les oiseaux, les grillons ne sont pas perturbés par ces deux cyclos qui passent. Silencieux, ils ne dérangent pas ce petit monde de la forêt, qui continue son train-train, paisible.
Nous continuons le nôtre...
Puis vient la descente, qui suit le plus souvent la montée. La route est abîmée, les virages sont courts ; nous descendons crispés, les mains cramponnées aux poignées des freins.
Nous ne voyons même pas Torrecilla del Pinar.
Le décor est montagneux ; nous voilà dans un cañon5 arboré. Des pins, des chênes, cohabitent avec des peupliers en contrebas.

Nous croisons la route du río Tajo dans son Parque natural del Alto Tajo6. Il est petit ici, près de sa source, dans la Sierra de Cuenca, mais il va grandir avant d’arriver à Tolède, de traverser le Portugal et de se jeter dans l’océan, à Lisbonne.
La route laisse le Tage faire son chemin dans le creux, remonte à nouveau, nous remontons avec elle.
Ce n’est pas l’homme qui prend la route, c’est la route qui prend l’homme. Moi la route, elle m’a pris, je me souviens, sur mon vélo bleu, je m’attaquais au Mont Pilat, avec un seul petit pignon à l’arrière...
Une douzaine de kilomètres de montée pour atteindre le sommet et le tout petit village de Zaorejas ; la route s’est durcie, son environnement aussi. La forêt n’est plus, elle a laissé la place à des peupliers qui, à leur tour, disparaissent. Le paysage se désertifie, des champs de blé apparaissent.
Nous ferions volontiers une petite pause dans ce village en apparence déserté, histoire de se désaltérer mais l’unique bar-alimentation est fermé.
Stéphane s’est arrêté. Un taon en profite pour m’attaquer ; je m’agite dans tous les sens. La femelle s’excite ; j’accélère en balançant les bras à tour de rôle, cela est préférable. Elle persiste, l’enfoirée... Finalement, je dépasse largement le village, et me retrouve seul, devant un immense plateau et une route rectiligne. La bestiole, elle, a dû regagner le village, déçue de n’ avoir pas pu goûter au sang d’un cyclo français, denrée certainement rarissime dans le coin. Le taon qui passe ne m’a pas rattrapé. J’attends Stéphane, mon accélération a dû le surprendre ; un fort changement d’allure, facilité par mon braquet de 42x24. J’ai conservé celui-ci pendant toute l’ascension.
Le « tic-tic » réapparaît dès que je descends sur mon petit plateau ; aussi, pour ne pas l’entendre, j’ai remonté d’un cran, et donc, exigé plus de mes mollets. Autre problème : la chaîne ne tient pas sur l’ultime pignon, le vingt-six, lorsqu’elle est sur le moyen plateau à l’avant. Donc, si je ne veux pas que le bruit m’agace, je ne dispose comme plus petit développement que du 42x24 !

La voilà ma douleur à l’omoplate gauche ; jusqu’à maintenant, elle ne s’était pas manifestée ; mais là, sur cette portion plate où la position reste figée, elle se pointe, c’est le mot juste, lancinante...

Nous passons Villanueva de Alcorón, et route ou village, pas une âme qui vive.

Je me plais, quand la machine va son train, seule, à prendre la position du jockey sur sa monture, quand se joue l’arrivée. Debout sur les étriers, les deux manivelles bien à l’horizontale, le torse incliné vers l’avant, les doigts accrochés de chaque côté de la potence, la pointe de la selle serrée entre les cuisses pour éviter le ballant dû au chargement arrière surélevé, je peux voir l’avant de ma roue, par-dessus la sacoche ; et puis cela fait du bien aux miches, ça leur permet de sécher et ça calme les irritations.

Et si je vous parlais de mes fesses ? Aurélie dira : « Ça y est ! »
Vous savez que depuis pratiquement le début du voyage, j’enduis la peau de chamois de mon cuissard, tous les matins, de crème anti-irritation ; et bien, depuis deux jours, ce sont mes fesses que je badigeonne de « cetavlon », crème de traitement des affections de la peau.

Etant donné qu’elles sont en permanence collées à ma selle, d’autant que la position en danseuse m’est interdite, ma peau, très sensible à ce niveau-là, cuit. Et il faut que je la préserve le plus possible, sinon, ce sera le calvaire. J’en ai déjà fait la triste expérience pendant mon tour de France ; les infirmiers du camion de la Croix-Rouge ont eu plusieurs fois le privilège de les admirer.
Le matin, au départ, il me faut une dizaine de minutes pour me réhabituer à mon siège effilé, je n’y appuie que très progressivement mon fessier endolori.

A sept kilomètres de Salmerón, où nous avons envisagé d’arrêter, ce sera donc après un après-midi de quatre-vingt-trois kilomètres, une vaste cuvette s’étale devant nous. Un arrêt s’impose : séquence admiration !
Oliveraies et blés blondissants, vignes et amandiers, font resplendir toute la vallée. Les blés sont plus dorés ici.
Nous allons entamer une longue plongée, depuis le plateau où nous sommes.
Compte tenu qu’Alcocer n’est qu’à une quinzaine de kilomètres après Salmerón, nous décidons de prolonger, il n’est que dix-huit heures. Le creux de Salmerón se situe à huit cents mètres d’altitude, le plateau d’où nous venons, à onze cents.
Salmerón est vite passée et nous arrivons à Alcocer après trois quarts d’heure, pratiquement de descente.
Alcocer est sur la nationale N320 qui vient de Cuenca, au sud, et qui monte à Guadalajara. Nous n’avons pas lâché la CM2015 depuis Molina jusqu’ici.

Je pense qu’on va arrêter là, après cent soixante et un kilomètres. Nous avons récupéré aujourd’hui les kilomètres soufflés par le vent de ces deux derniers jours.

Dans mon carnet de route, j’avais noté pour Alcocer, d’aller voir la madre de Hilario. En réponse à mes interrogations, fin mars 2000, sur les logements dans les villages-étape possibles de la région, Alejandro Conde Sanchez (telefonica.es) m’avait adressé un courrier, à propos d’Alcocer, me disant « Creo que hay una persona que alquila habitaciones, es la madre de Hilario, el dueño de la tienda, preguntais por ella. »7. Alejandro a réalisé un site internet sur Alcocer (alcocer.cjb.net) qui venait fort à propos.
Son village est un petit village, à peine plus bas que Salmerón, à sept cent quatre-vingts mètres et ne compte que trois cent trente habitants.
Au premier et seul bar, ils ont été rares lors de cette demi-étape et même toute la journée, nous allons nous renseigner et enfin boire. Le patron m’indique où habite la madre del dueño de la tienda. Vu la taille du village, l’explication est courte.
Avec la cerveza, on nous a servi une assiette d’amandes salées. Trois grands-pères sont devant la télé qui retransmet une corrida. L’un d’entre eux s’est approché de nous, intrigué par ces deux voyageurs que nous sommes. Je lui réponds volontiers. « Venimos de Marsella, vamos hasta Granada. »8...
Nous trouvons sans problème l’épicerie ; effectivement la mère de l’épicier loue des chambres ; celui-ci s’en va la questionner dans l’arrière-boutique.
« Completo, muchas están en obras »9.

Nous ne coucherons pas à Alcocer, triste évidence.
Nous pousserons plus avant notre route, jusqu’à Sacedón, soit une rallonge de douze kilomètres, direction ouest, sur la nationale N320, vers Guadalajara.
Madrid est au niveau de Sacedón, une centaine de kilomètres plus à l’ouest ; notre itinéraire la contourne ; nous allons nous en rapprocher un peu plus, par le côté sud, mais toujours à distance respectable.
Ce segment de nationale n’est pas de tout repos, même si son revêtement est parfait ; son profil est tourmenté dans cette partie sud de la Alcarria. J’ai du mal dans la côte que nous grimpons ; tant pis pour le bruit au niveau du pédalier, j’en ai besoin de mon 30x24 ! Mon compteur est au plus bas, il affiche péniblement un sept.
Il reprend son souffle heureusement, lorsque la route bascule ; je ne le retiens pas... Nous descendons ce que nous avons monté. Il bat la chamade maintenant, il va jusqu’à afficher un six et un zéro !
C’est trop beau pour durer, il chute ; puis nous remontons jusqu’à voir Sacedón et la mer. Nous sommes au centre de el Mar de Castilla10. Sacedón est située entre deux immenses retenues d’eau : l’Embalse de Entrepeñas et l’Embalse de Buendía qui forment la mer de Castille, véritable mer intérieure qui s’étale sur une distance avoisinant les cinquante kilomètres, du nord au sud.
Le Tage, qu’on a retenu là, s’en échappe ; il s’en va visiter Aranjuez, puis il ira enlacer Tolède. Il a un parcours intéressant ; nos routes vont à nouveau se croiser.

La petite aiguille de nos montres a fait un tour complet depuis Daroca, il est vingt heures quand nous entrons dans Sacedón. On se croirait vraiment en bord de mer, avec tous ces petits bateaux rangés sous des hangars, c’est la mer de Castille, perchée à sept cent quarante mètres.
On devrait trouver, dans cette petite ville de mille six cents habitants, les hostales Mariblanca et Plaza.
Nous passons devant le premier qui a l’air plutôt chic ; puis, un peu plus haut, très proche, l’hostal Plaza qui devrait mieux convenir à notre budget. Au rez-de-chaussée, il y a un bar ; je demande au barman affairé s’il y a une chambre libre. La réponse est « non ! », sans plus. Puis il rajoute quelques mots, que je ne comprends pas ; par contre, la manière est nettement désagréable.
Curieux comme réception ! Comme elle ne me satisfait pas, je me promets d’en avoir le coeur net. La dame qui vend des glaces, au coin de la place, devant le Plaza, me dira, lorsque nous reviendrons, entre la douche et le dîner, qu’elle ne comprend pas, qu’ils ont bien des chambres...
Retour au Mariblanca ; Marie-Louise, qui connaît les deux, indiquait dans son récit qu’elle avait préféré celui-ci, au Plaza, qu’elle notait moins accueillant...
L’accueil de la patronne est effectivement chaleureux, elle a une chambre double avec salle de bains à cinq mille cinq cents pesetas. Cela nous fera deux cent vingt francs ; même si ce prix est le plus élevé depuis le début, il reste raisonnable sachant qu’il est à diviser par deux.
Oui mais pour ce prix, nous avons droit, ainsi que nos vélos, au tapis rouge qui traverse la première partie du bâtiment, puis à un petit jardin d’agrément dans une grande cour intérieure au fond de laquelle, se trouve notre chambre, de plain-pied.

Ce soir, c’est grand luxe à Sacedón, dîner au restaurant de l’hôtel, ou plus exactement de l’hostal, qui est à un niveau moindre. Etant donnée l’heure, nous sommes restés sur place, pour faire au plus court.
Stéphane est affamé, il me dit, lorsque nous nous installons, qu’il va prendre deux menus ! Il est sous-alimenté depuis ce matin ; ce soir, il veut refaire le plein ! Finalement, après étude des menus et de la carte, il choisit la carte pour pouvoir prendre deux fois des espaguetis carbonara11 ; au préalable, il aura avalé deux tostadas de ibérico con tomate12.
Il a voulu manger à la carte, ça lui a coûté la peau des fesses. Cette fois, ce sont les siennes qui trinquent ! Décidément, qu’est-ce qu’elles prennent …
Le menú del día est à un prix raisonnable de mille deux cents pesetas.
C’est vrai qu’il est affamé mon pauvre Stéphane, nous ne faisons pas souvent ripaille, surtout aujourd’hui où nous n’avons pas eu nos bocadillos, ni ce matin, ni cet après-midi.

Nous avons retrouvé ce soir la ville étape prévue sur mon parcours imaginé. Le retard, si tant est qu’on puisse parler de retard, pris lors de ce week-end pluvieux et venté, est comblé.
Soixante-trois kilomètres ce matin et cent onze tantôt – le soir, on peut plus facilement déborder sur les horaires – font une étape de cent soixante-quatorze. Je croyais que celle qui nous avait menés à Mequinenza, vendredi, serait la plus longue de ce périple avec ses cent soixante-six ; celle de ce jour a atteint d’autres sommets par sa distance et sa durée.

Ce soir, nos paupières sont un peu plus lourdes, nous les allons allonger, sans tarder.